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karl marx - Page 8

  • Table rase de la télé

    Quelques propos inquiets entendus ici ou là à la télé dans la bouche de petits pions, comme quoi on ne pourchasserait pas assez les néo-nazis, la peste brune terroriste-révisionniste qui sévit sur le ouaibe - surtout le ouaibe 2.0 ! -, propos complétés par la suggestion de prendre des mesures policières plus radicales vis-à-vis des fauteurs de troubles "underground", ces propos indiquent que certains journalistes ou littérateurs redoutent la concurrence qu'internet pourrait faire à leurs PME-PMI spécialisées dans l'aplanissement des consciences.

    Hélas, comment croire à une telle issue (favorable), alors que dans l'ensemble le ouaibe se contente de recopier les slogans diffusés dans les médias, quand il ne cultive pas la vulgarité promue en "prime time" par la télé, pour ceux qui trouvent la méthode Cauet ou Sarkozy un peu trop "light" ?


    En revanche, tout laisse penser comme Marx que les outils de l'économie capitaliste moderne, le marketing, la spéculation boursière, les tours de passe-passe comptables et monétaires, la division du travail à l'échelle mondiale, les gratte-ciel de béton, le travail des femmes, l'importation de travailleurs clandestins, et l'internet également, contiennent un principe autodestructeur à plus ou moins long terme, un principe qu'il faut désigner, non pas par un euphémisme délicat : le "rationalisme", comme Benoît XVI dit, mais par son vrai nom : la bêtise.

  • Marx pour les Nuls

    Ce qui rend les études historiques antidémocratiques, c’est la lenteur, les précautions, la technique, les efforts qu’elles exigent. Il a fallu pas moins de vingt ans à Marx pour peindre un tableau à peu près cohérent et dynamique de l’économie bourgeoise.

    En revanche la philosophie est tout à fait adaptée à notre régime. Une année de philosophie en classe terminale est suffisante pour apprendre le maniement de quelques syllogismes de base, le bagage intellectuel à la fois minimum et maximum pour un journaliste, un publicitaire, un député, un artiste conceptuel ou un cinéaste.

  • Marx pour les Nuls

    Jean Bricmont, physicien belge auteur d'Impostures intellectuelles, proche de certains constats métaphysiques de Claude Allègre ou de Benoît XVI, caractérise la politique néocolonialiste et démocratique occidentale ainsi : elle repose sur l'hypocrisie !
    D'où l'actualité brûlante de Marx. L'hypocrisie, qui était une vertu sociale, la classe bourgeoise en a fait un véritable fléau politique qu'elle nomme "démocratie". Bien sûr la démocratie reste en grande partie théorique ; si comme Michel Rocard le souhaite elle était effective, nous serions déjà tous morts.

    Contre la conjuration des imbéciles, on pourrait imaginer une sorte de conjuration de têtes pensantes raisonnables. Ça serait complètement utopique.

  • Frayeurs de bobos

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    Ce qui me frappe chez le dessinateur Cabu, une des rares “valeurs actuelles” que j’admire, c’est son anachronisme. Son talent, dans le lignage de Daumier, Bofa, Caran d’Ache, Sennep, “par-delà gauche et droite”, est anachronique. Son héritage et ses références : Homère, la Bible, bref la littérature universelle - anachroniques aussi.
    Ce travail acharné et patient pendant des lustres, deux ou trois idées par jour dressées sur le papier, "sur le métier chaque jour remettez votre ouvrage", ça non plus n’est pas commun de nos jours où les artistes et les philosophes bricolent des formules comme un magicien sort des lapins de son chapeau à double-fond ; à notre époque où les publicitaires - Andy Warhol, Beigbeder, Séguéla, Sarkozy -, tiennent le haut du pavé (au royaume des démocrates-crétins…)

    *

    Il y a donc un principe d’honnêteté chez Cabu. L’anachronisme de ses idées politiques, en revanche, participe de la médiocrité ambiante. Il faut qu’il dessine avec des œillères pour ne pas voir que "les mollahs, les curés et le Front-National" (belle synthèse des frayeurs bobos !), n’ont aucun pouvoir chez nous.
    Le ministre de l’Intérieur Sarkozy à la barre des "accusés" de "Charlie-Hebdo", c’est tout un symbole que Cabu a "oublié" de dessiner. Sarkozy était d'ailleurs plus à sa place dans cette parodie de justice en faveur des immondes cochons danois que Cabu et Charlie-Hebdo.
    Le meilleur des mondes, c’est fait, on y est, les forces du mal, les mollahs, les curés et le Front-national, ont été réduites à néant, Cabu n’a plus qu’à se taire et à mourir en paix !

    Selon Marx, pour que les idées acquièrent de la force, il faut qu’elles sortent des cénacles et des clubs élitistes pour se propager dans toutes les couches de la société. Les bobos peuvent dire merci à Charlie Hebdo pour ce travail de diffusion de leurs idées. Et surtout merci à Cabu, étant donné que ses comparses, le “rasoir” Philippe Val en tête, n’ont pas le dixième de son talent.

    Mais après tout Goya lui-même n'était-il pas un "salaud" ?
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  • Demain la révolution ?

    On dit parfois d’untel qu’il “s’est dépensé sans compter” pour une cause qui le dépassait. Je crois qu’on peut dire ça de Marx ; son mariage brillant avec Jenny von Westphalen était pour Marx l’assurance d’une carrière à faire pâlir de jalousie un BHL, un Finkielkraut ou un Luc Ferry - plus sérieusement, d’une carrière à la hauteur de celle de Hegel, si Marx n’avait pas refusé le poste qu’on lui proposait à l’Université d’Iéna pour se consacrer librement à la révolution.
    Non pas une révolution “matérialiste”, comme certains béotiens le prétendent, mais une révolution spirituelle, bien que Marx fût un bon vivant aimant le vin, avec un côté “rabelaisien”, ça n’empêche ; au contraire, on sait où la spiritualité puritaine qui plaît tant aux bonnes femmes, mène.

    Les ravages de la mondialisation donnent aujourd’hui raison à Marx. N’est-il pas significatif que même le champion de l’immobilisme permanent, François Bayrou, se réfère aujourd’hui à Marx dans le Figaro ? Entre parenthèse il n’y a qu’un lecteur de ce canard décadent pour ne pas se rendre compte que Bayrou fait dire à peu près n’importe quoi à Marx, au gré de son ambition électorale ridicule.

    *

    On peut dire également de Mère Térésa de Calcutta, très politiquement incorrecte elle aussi comme Marx, qu’elle s’est dépensée sans compter. Contrairement à ce qu’a pu dire Jean-Paul II, sainte Thérèse de Lisieux n’est pas particulièrement “antijanséniste”. C’est bien plutôt Mère Térésa qui est une sainte “marxiste”, au point qu’elle a pu agir dans le sens des Évangiles pendant de nombreuses années, sans même avoir la foi ! Un tel “matérialisme” est si scandaleux pour les bourgeois que les démocrates-chrétiens ont tenté de l’occulter.

    *

    Maintenant quelle différence y a-t-il entre “se dépenser sans compter” et “se gaspiller” ? Dans ce domaine, non pas abstrait mais humain, Dieu seul est un juge équitable… Il semble cependant que Sarkozy fournisse un bon exemple de gaspillage ; le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’économise pas ses gesticulations et sa salive (On dirait une mise en scène vulgaire de Jérôme Savary), et qu’il ne nous épargne pas au passage.

  • Créationnisme (13)

    On connaît le mot de Chesterton selon lequel le monde actuel serait plein d’idées chrétiennes dévoyées.
    Famille chrétienne, dernier magazine démocrate-chrétien en circulation, fournit la preuve presque chaque semaine de l'inaptitude à raisonner de façon authentiquement chrétienne, de l'évanouissement de la raison consécutif à l'évanouissement de la foi.

    Dans le dernier numéro de ce magazine, on peut lire une interviou de Jean Jaume, un évolutionniste démocrate-chrétien plus ou moins paléontologue, le genre de bavard qui comme son confrère anglo-saxon Stephen Gould remplit des bouquins et des bouquins de considérations générales, au détriment de la vraie science (celle d’un Réaumur, par exemple).
    Pour situer exactement le niveau de la prose de ces pantins, il faut dire que ce ne sont même pas des historiens des sciences sérieux, ni des vulgarisateurs compétents comme Claude Allègre… ni même des auteurs de science-fiction habiles comme Buffon ou Darwin !

    “En dehors de toute conception religieuse”, ce Jaume entend démontrer dans son bouquin que Darwin n’est pas le seul théoricien de l’évolution valable. Tu parles d’un "scoop" ! Enterrer Darwin pour ressusciter Teilhard de Chardin, tu parles d’un progrès !
    Jean Jaume résume la théorie de Darwin comme un mélange de sélection naturelle et de hasard - un hasard “pondéré”, en quelque sorte. Si la théorie de Darwin est bancale, pourquoi ne pas lui en substituer une encore plus déconnante ? Voilà à peu près la logique des démocrates-crétins.

    “En dehors de toute conception religieuse” : on peut être certain que ce préambule naïf, un "leitmotiv" de Gould également, annonce une tonne de préjugés démocratiques assénés avec la bonhomie de Pangloss. En effet, pas plus tard que quelques lignes plus bas, vient la conclusion définitive de Jean Jaume, ô combien prévisible :
    « On ne peut plus prétendre, aujourd’hui, avoir une démarche scientifique et être non-évolutionniste. »
    Tout est dit dans cette démonstration, ce credo, de l’esprit démocratique et “libéral” : amen !
    L'espèce de croyants la plus dangereuse qui soit, c'est bien celle des croyants qui ignorent qu'ils croient, parce que c'est l'espèce la plus bête. La "bêtise" des démocrates fait encore plus peur que la "méchanceté" des nazis.

    *

    J’en profite pour noter au passage le discernement de Marx et ce petit “tour” que lui a réservé l’histoire.
    Pour Marx, Malthus et Darwin - qui s’est largement inspiré du précédent -, n’ont qu’une valeur limitée : ils ont le mérite à ses yeux d’ébranler profondément les valeurs de la bourgeoisie. Au plan scientifique en revanche, Marx n'est pas dupe du manque d’originalité, pour ne pas dire plus, de Malthus et de Darwin, de leurs erreurs quasi-volontaires. Il qualifie l’Essai sur le principe de la population (1803) de “pasquinade”.

    Mais Marx sous-estimait le cynisme de la bourgeoisie. La classe dominante n’a en effet pas hésité longtemps à propulser Malthus et Darwin, ces deux plagiaires, au rang d’idoles, à leur construire des autels et à excommunier tout ceux qui osent pointer du doigt la faillite de leur idéologie. On n'arrête pas le cours du progrès, mais on peut l'inverser apparemment.

  • Marx pour les Nuls

    J.M. Keynes sur le plan de l'économie d'une part, et Max Weber sur le plan de la sociologie d'autre part, ont opéré un démantèlement de la synthèse marxiste. Ce démantèlement, qu'on peut qualifier de "récupération par la bourgeoisie libérale des principes marxistes", ôtent à Marx toute sa cohérence et par conséquent sa force. Ce n'est pas un hasard si Alain Minc, représentant de l'oligarchie libérale, a fait rédiger une biographie de Keynes, qui marque l'attachement de la classe dominante à des idées rétrogrades.

    Les principes sociologiques de Weber et les principes économiques de Keynes, qui imprègnent toutes les politiques libérales, de gauche comme de droite, sont caducs ; ils ont pu faire illusion au début, alors que la mondialisation décrite et anticipée par Marx n'en était qu'à ses balbutiements. Marx, lui, a conservé toute sa modernité.

  • Ma conversion

    Petit retour en arrière sur ma conversion au marxisme qui date d’il y a deux ans tout au plus. A dire vrai, j’ai toujours eu une conception marxiste de l’art, sans le savoir. J’ai toujours tenu les artistes contemporains pour des valets du capitalisme et l’artiste, au sens noble du terme, comme un artisan politique.
    Mon retard à découvrir Marx, à trente ans passés (!), a plusieurs causes ; un préjugé religieux, d’abord : je croyais que Marx était un de ces athées stupides comme Nitche, à cause des idées assez fausses que le parti communiste propage sur Marx ; alors que Marx et Nitche divergent complètement ! C’est la mort de la philosophie que Marx décrète ou appelle de ses vœux.
    Ce qu’il y a de séduisant au premier abord dans le marxisme pour quiconque a une « disposition artistique », c’est sa cohérence, comparé aux billevesées libérales.
    Les artistes sont amoureux de l’ordre. Il n’y a qu’à regarder une eau-forte de Rembrandt pour le comprendre. Je suis persuadé que ce qui a dégoûté Baudelaire de la révolution, alors qu’il était proche de son principe, c’est l’anarchie qui en découla. Idem pour Delacroix.
    Quand je tombe sur Finkielkraut à la télé, pas plus tard qu’hier soir, j’ai une réaction quasiment épidermique de rejet. Finkielkraut tient à la fois du caméléon, ses vues s’adaptent à celles de son interlocuteur ou aux circonstances, et de l’anguille pour sa façon d’éviter de se mouiller en faveur de tel ou tel, et de la volaille pour son arrogance et sa superficialité. En dernier ressort, lorsqu’il se sent acculé, et n’importe quel sous-réthoricien a les moyens d’engluer Finkielkraut dans sa propre toile, en dernier ressort Finkielkraut n’a qu’un seul argument, racial : « Oui, mais je suis Juif ! ». Au plan ethnologique un cas d’espèce intéressant à condition de surmonter son dégoût. BHL fait figure de Philistin « classique » à côté.
    Mais une telle hybridation, si elle a un côté burlesque « médiéval », est trop révélatrice du degré de médiocrité de l’élite bourgeoise pour prêter à sourire franchement.

    *

    La sûreté du jugement littéraire de Marx n’est pas un mince argument en sa faveur non plus. Shakespeare est une des figures de proue de la bibliothèque de Karl Marx. Au point qu’il fit apprendre par cœur à ses filles des actes entiers de Shakespeare. Les lettres de sa fille Laura sont étonnantes ! On a là l’idée du résultat que peut donner une éducation aristocratique. Quel rapport avec ces mères qui se débarrassent de leurs gosses entre les mains d'instituteurs à demi-savants pour aller glaner un peu d’oseille par ailleurs et qui ont le culot de se plaindre ensuite de  récupérer à la sortie de cette usine à gaz des nouilles mal élevées ? Fossé aussi entre Marx et les bourgeois contemporains qui font lire à leurs enfants des mièvreries comme Harry Potter, « pour leur donner le goût de la lecture », ah, ah ! - bouquins que les gamins en général, pas si cons, s’empressent de refourguer par-derrière en échange de quelques bonbons, quand ce n’est pas un téléphone portable pour singer leurs parents.
    L’exemple de Shakespeare est important car il contient le principal malentendu à propos de Marx, une galéjade en réalité, mais dans la société où nous sommes il faut TOUT expliquer. En effet, de la même manière que Marx, Shakespeare est suspect aux yeux des bourgeois d’être « matérialiste » ou « cynique », alors que c’est l’écrivain le plus spirituel de l’Occident moderne !
    Enthousiasme de Marx pour Balzac également. En ce qui me concerne, je préfère Barbey d’Aurevilly, plus aiguisé à mon avis que Balzac. Mais on reste en famille. Pour être équitable, Marx aimait aussi se distraire avec les enfantillages d’Alexandre Dumas. Comme quoi nul n’est parfait, même pas Marx.

  • Deux dissidents allemands

    Le rapprochement s’impose entre Benoît XVI et Karl Marx. Peu ou prou ils sont nés dans le même berceau politique. Ils ont décidé tous les deux de sacrifier leur existence à un dessein supérieur, renoncé à une vie facile. Intérêt commun pour la philosophie, religieuse, politique. Deux hommes libres isolés au milieu les esclaves.

    Comme Benoît XVI, Marx prône la raison, c’est-à-dire l’Occident. Or, raison et foi sont indissociables. C’est une évidence pour Benoît XVI, ça l'est également pour Marx : celui-ci était trop bien éduqué pour ignorer le rapport étroit qu’il y a entre la foi et la raison. J’ose dire qu’il le sait même mieux que Benoît XVI, car il y a moins d’angélisme chez Marx, qui eût de meilleurs maîtres que Joseph Ratzinger !
    Le matérialisme politique que Marx apporte à la pensée de Hegel et qui lui confère toute sa force n’exclut pas la spiritualité authentique, à ne pas confondre avec l'idéalisme de pacotille que les libéraux introduisent dans le moindre discours, de l'inauguration de la piscine municipale au énième meeting de gynécologie bio, il n'est jusqu'aux pornocrates aujourd'hui qui ne justifient leur maquereautage par le combat en faveur de la liberté, des droits de l'homme et de la femme !

    Dialectiquement, Marx a été forcé de mettre l’accent sur le matérialisme afin de combattre les "néo-hégéliens", comme un général est contraint de dégarnir son aile gauche lorsqu’il est attaqué par la droite.
    Mais, de la pensée de Hegel, infectée d’angélisme kantien, ou de celle de Marx, durcie dans les forges d’Ephaïstos, c’est la pensée de Marx qui est la plus spirituelle. L’histoire l’a prouvé.
    Aristote est le penseur grec le plus universel ; Marx le penseur européen le plus universel. Le catholicisme ne peut ignorer ces deux outils et continuer de se vautrer plus longtemps dans l’existentialisme, le maurrassisme ou le rousseauisme.
    Bien que Benoît XVI s'exprime de façon ambiguë, certains indices laissent penser qu’il n’ignore pas complètement cet enjeu.

    *

    La pensée catholique authentique, incarnée en dernier ressort par Léon Bloy, dernier chef du vieux “parti des pauvres”, est renouvelée par le communisme de Marx, chef du jeune “parti des pauvres”. Il y a là comme un passage de témoin. Marx reconstruit sur les ruines d'une Eglise exsangue, qu'il méprise de s'être laissée envahir par la médiocrité bourgeoises.
    Les recoupements entre Marx et Bloy sont très nombreux. Il n’y a pas d’adversaires plus farouches de la pensée bourgeoise triomphante. Tous les dogmes, toutes les “valeurs actuelles”, Bloy comme Marx les ont mises à nu et en ont percé le cynisme têtu, sous la surface hypocrite.
    L’argument de la pensée bourgeoise pour tenter d’étouffer Marx est le même que pour Bloy : il consiste à retourner l’insulte à l’envoyeur, à traiter Marx et Bloy de bourgeois, c’est-à-dire de pourceaux, d’hypocrites. Bardèche, un des rares bourgeois à peu près honnête, reste assez imperméable au catholicisme de Bloy, mais admet : “Oui, Bloy était vraiment pauvre, il avait l’angoisse du paiement de son terme.”

    La “Renaissance” de Benoît XVI et la “Révolution” de Marx ne sont qu’un seul et même dessein. La seule différence, c’est que la révolution marxiste est plus claire que la renaissance romaine, à peine audible sous les ratiocinages démocrates-chrétiens.
    Est-ce dû aux circonstances ? Est-ce que Benoît XVI est plus isolé encore que ne l’était Marx ? C’est possible. Car l'étau s'est resserré depuis Marx. Les actions de la bêtise ont grimpé en flèche ; c'est la valeur la plus sûre actuellement.

    *

    Les concessions faites par Benoît XVI aux valeurs bourgeoises sont ici en question. Ainsi, les exhortations de Benoît XVI sont traduites en France par des démocrates-chrétiens bourgeois. Et que nous servent ces collabos ? Des sermons jansénistes-existentialistes ! « Mes bien chers frères, gardez-vous d’agir, comme de bons bourgeois que vous êtes ! À la rigueur priez, priez la Grâce pour qu'elle travaille à votre place… »
    La Grâce cotée en Bourse, la Grâce esclave de l’humanité, le jansénisme est parvenu à terme.

    Ce n’est pas raisonnable de la part de Benoît XVI de ménager ainsi les valeurs actuelles et la bourgeoisie. Ces valeurs, cette bourgeoisie, à plus ou moins longue échéance, c’est la banqueroute qui l'attend. Ça serait de la folie que d’entraîner Rome dans cette faillite.

  • Marx pour les Nuls (4)

    Si on pouvait douter naguère du bien-fondé de la méthode d'investigation de Marx, le doute n'est plus permis aujourd'hui. Il y a cette preuve flagrante, il suffit d'appuyer sur le bouton de la télé pour l'obtenir : comment des types comme François Pinault, BHL, Guy Sorman, Finkielkraut, Sollers, Luc Ferry, et toute la clique, avec des idées aussi faibles, à faire passer Tariq Ramadan pour un humaniste, comment ce parti-là peut-il avoir le pouvoir et le conserver ?

    C'est précisément la preuve que son pouvoir vient d'ailleurs que de la poésie et des idées.

  • Marx pour les Nuls (3)

    Comment un marxiste peut-il reconnaître un libéral à coup sûr ? (Tous ne portent pas une casquette de base-ball ou des ray-ban, il en est même qui se disent trotskystes ou marxistes, voire catholiques.)

    Mon piège préféré : faire lire un roman d'Evelyn Waugh. Si le sujet rit, c'est qu'il n'est pas vraiment "libéral".

     Maintenant, comment reconnaître un PHILOSOPHE libéral ? Parlez d'art et de politique en même temps, tout naturellement. Ce sont des terrains où le philosophe libéral est très mal à l'aise. Déjà, il ne voit même pas le rapport.

     

     

  • Marx pour les Nuls (2)

    Depuis Jean-Jacques Rousseau, Diderot, Voltaire, la pensée libérale n'a fait que décliner, lentement mais sûrement. Pour être exact, elle a fait le chemin de la poésie à la logorrhée. Kant et Nitche sont des étapes décisives, que Schiller et Goethe compensent à peine.

    On va dire : "Mais les idées de Rousseau, celles de Diderot, déjà, sont bêtes !" Certes, mais Diderot, et surtout Rousseau, en sont conscients. Ils ne sont pas aveugles et entêtés. Lorsque l'abbé Galiani démontre à Diderot que les idées économiques libérales sont simplistes, Diderot l'admet sans faire la mule. On subodore que c'est le simplisme même de ces idées qui a séduit Diderot, esprit rêveur - qui retombe aussitôt d'ailleurs dans ses rêveries.

    Mais cette franchise d'un philosophe libéral à admettre son erreur, cette liberté-là est perdue depuis longtemps, il n'y a plus que de féroces crétins, qui, dès qu'ils dénichent un esprit libre, un esprit différent, d'où qu'il vienne, le traquent comme un lapin.

    Bête, Jean-Jacques ? Certainement pas, il choisit ses idées en fonction de leur beauté plastique et pas de leur vérité. Il a l'intelligence de son art. Au demeurant les idéologues libéraux ont pioché chez Rousseau ce qui les arrangeait. Si ce genre d'exercice avait de l'intérêt, on pourrait faire la démonstration que Rousseau n'est pas si loin de Maurras au plan des idées. "La politique d'abord", répète Rousseau.

    Le bon sens, Voltaire en avait sans doute un peu plus, mais il le gardait pour lui. On lui doit quand même Pangloss, qui préfigure le crétin capitaliste moderne, Guy Sorman par exemple, qui nous affirme, au nom du pragmatisme - tant qu'à faire -, que son système inéluctable est le meilleur des mondes possibles.

     Ils s'appelaient "philosophes" mais c'étaient des poètes, épatés par le bon sens anglais, qui leur était étranger. ll y a quelques jours à la télé, BHL était confronté à Daniel Herrero, une sorte de rugbyman poète. Le lyrisme de cet Herrero, qui n'est pourtant pas Chateaubriand, fit pâlir notre philosophe ; chose incroyable, il baissa même les yeux. Cet Herrero l'avait mis à poil. Ni conscience ni candeur.

     

  • Marx pour les Nuls (1)

    Je tombe par hasard sur le site d'Alain Soral sur une phrase de Roland Gaucher, un ex-pote de Le Pen aujourd'hui décédé qui dit à peu près : "Maurras et Karl Marx sont utiles pour qui veut bien comprendre la politique."

    En réalité, lorsqu'on lit Marx on comprend à quel point Maurras et la politique, ça fait deux. Bref, si on est pressé, on n'est pas obligé de lire Maurras, on peut passer à Marx directement.

    Quant à Le Pen lui-même, je ne crois pas à sa conversion au marxisme une seconde. Même s'il a un petit côté Lénine, fondamentalement Le Pen est un anarchiste, un trublion, ce qui explique pourquoi il a été séduit à la fois par les thèses libérales (Blot, Mégret, Le Gallou) et maurrassiennes. Le libéralisme, l'anarchie et le royalisme ne sont que trois facettes d'une même utopie, que chacun choisit en fonction de son tempérament.

    D'ailleurs Le Pen comme son pote Gaucher, je crois, est l'auteur d'une étude sur le mouvement anarchiste, je ne parle pas des guignols qui servent de service d'ordre à l'UNEF dans les manifs aujourd'hui.

  • Deux bulldozers

    Marx est un peu aride pour certains ; et Aristote et Platon ? Il faut dire que les exégètes du Parti communiste français, tel Althusser, n’ont pas aidé à rendre Marx plus vivant.

    Outre Shakespeare, Dickens, Balzac, dont la parenté spirituelle avec Marx est évidente et revendiquée par lui, difficile de ne pas faire entrer Evelyn Waugh (1903-1966) dans ce cercle. Plusieurs aspects de son roman-culte Vile Bodies (Ces Corps vils), notamment, évoquent fortement le "style" de Marx, son mode de raisonnement moderne.

    Ce n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où Waugh est Anglais et que Marx est très influencé par la pensée anglo-saxonne, plus encore que les philosophes français des Lumières qui admiraient la politique anglaise sans vraiment chercher à la comprendre.

    *

    Au centre de Vile Bodies, la description d’une course automobile sur un circuit, est comme une métaphore du système capitaliste. Waugh insiste sur la bassesse morale des pilotes, la concurrence à mort qu’ils se livrent, l’absurdité de ce spectacle ennuyeux - à la limite de l’indécence.
    Un autre aspect : l’importance cruciale des classes sociales ; Waugh pose un regard lucide sur l’aristocratie anglaise ; bien qu’elle l’attire, il raconte sa déchéance.
    Mais Waugh, qui a tout fait pour épouser une aristocrate comme Marx, n’est pas communiste : il ne croit pas que la civilisation puisse se passer de l’aristocratie.

    Le plus caractéristique peut-être : Waugh s’abstient le plus possible d’entrer à l’intérieur des personnages de sa comédie humaine moderne. Ils sont déterminés par leurs faits et gestes, leur appartenance sociale.
    Nous sommes remplis d’illusions et de mensonges sur les autres et sur nous-mêmes.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de déduire l’évolution de l’humanité du singe au métrosexuel ou à la femme libérée, i-pod dans l’oreille et sudoku sur les genoux.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de s’attribuer un subconscient et un inconscient pour pallier son manque d’épaisseur.
    À partir de deux ou trois indices on a vite fait de se fabriquer une panoplie de super-héros et de rivaliser avec les dieux de l’Olympe. Etc.

    Ce qui intéresse Waugh comme Marx, c’est la vérité. Les idéologies personnelles, les petites chapelles privées que la démocratie stimule et entretient ne résistent pas à ces deux bulldozers.

  • Kirche, Küche und… Kapital !

    Ce coup-ci, ça y est, avec la célébration de la Saint-Valentin cette semaine dans les églises du diocèse de Paris, je crois qu'on a touché le fond. Pas le fond du mauvais goût, non, ça ça ne date pas d'aujourd'hui, et l'Église peut sans doute survivre longtemps au ridicule. Là c'est plutôt le summum du MARKETING qui est atteint. Et c'est sans doute plus grave.

    Il ne faut pas se raconter de blagues mystiques, de tout temps les évêques se sont majoritairement soumis aux diktats contraires des autorités politiques, y compris dans le domaine de la morale. Les martyrs, les Thomas More, sont plutôt rares. Je ne nie pas leur courage, mais même les prêtres réfractaires, pour beaucoup d'entre eux ont été soutenus par tout un corps social, un corps social menacé, certes, mais un corps social quand même.

    Mais la soumission empêche-t-elle le rappel des principes catholiques aux ouailles catholiques ?
    À propos du mariage, qu'en est-il, quel est le modèle que l'Église propose désormais, en quoi est-il différent du modèle laïc ? J'écoutais l'abbé de La Morandais l'autre jour, invité à la télé pour y défendre le mariage chrétien, et pourtant La Morandais n'est pas le plus soumis des prêtres, eh bien pas une seule fois en une heure de plateau il n'a parlé de la famille, des enfants ! Pas une fois : « Le couple, le couple, le couple… »
    Le Père La Morandais s'est contenté d'une morale, disons… stoïcienne, ce qui est toujours mieux que la morale petite-bourgeoise, dans un régime démago-capitaliste, je ne dis pas, mais que restera-t-il du catholicisme en Europe lorsque le clergé l'aura converti entièrement en une morale stoïcienne ?

    Contre la philosophie contemporaine de la morale sexuelle catholique, un peu d'Histoire : la question de la limitation des naissances obsède les féministes depuis au moins un siècle aux États-Unis, dans cette grande nation entièrement dévouée à l'accumulation des richesses. Y compris les féministes catholiques, suffisamment organisées pour faire pression sur les cardinaux réunis au Concile de Vatican II et les obliger à théoriser sur la limitation des naissances, ce qu'ils n'étaient pas disposés à faire a priori (Pour plus de détails sur les circonstances de ces pressions féministes, on se référera au théologien J.-M. Paupert.)
    Ces pressions féministes ont abouti à forger de toutes pièces ce que certains démocrates-chrétiens appellent sans rire "la contraception naturelle" ; et tout un un blabla proprement écœurant sur le fonctionnement des ovaires que l'homme catholique moderne serait censé connaître par cœur. Pincez-vous, vous ne rêvez pas, vous êtes dans un presbytère et Monsieur le Curé vous donne un cours de morale sexuelle. Ah, ah, comme d'habitude, j'exagère, les prêtres ont tous désormais au moins bac+5, ça ne veut pas dire pour autant qu'ils parlent latin ni même hébreu couramment, mais ils sont capables de discerner en quoi cette prétendue méthode "naturelle" est en réalité la plus technique et la plus sophistiquée des méthodes de contraception disponible sur le marché occidental.

    Donc ce cours de morale sexuelle est confié dans les faits à quelque bigote de la paroisse, aussi fanatique que dévouée. Attention : si vous lui faites remarquer qu'elle débloque complètement, elle vous coupera les couilles, avec une demande d'excommunication envoyée à Rome subito presto.

    J'ai l'air de plaisanter comme ça, mais d'ici quelques années les catholiques n'auront presque plus affaire qu'à des gargouilles de ce genre. Et les bonnes sœurs ? il y aurait beaucoup à dire sur les bonnes sœurs, le nombre de martyrs parmi les prêtres qu'elles ont pu faire dans les années quatre-vingt, les obligeant à voter pour Georges Marchais, les poussant véritablement à l'alcoolisme ou à la démence. Je n'étais qu'un petit lapereau à l'époque, mais j'ai bonne mémoire.

    Au-delà des principes, qu'est-ce que ça change ? Un dialecticien futé pourrait me rétorquer : pas grand-chose. Les statistiques montrent que les familles chrétiennes ont plus d'enfants que les autres, et donc que la méthode Billings, ils l'appliquent par-dessus la jambe, ils ne connaissent pas le fonctionnement des ovaires par cœur, ils ne font que simuler. Heureusement d'ailleurs, ça serait quand même un comble que la plupart des catholiques ne connaissent plus leur catéchisme par cœur mais qu'ils possèdent la mécanique des ovaires sur le bout des doigts !

    Non, c'est plutôt la chasteté qui se trouve modifiée par ces laïus improbables, la chasteté si pénible à saint Louis (selon Jacques Le Goff).
    Dans la morale traditionnelle catholique, qu'on peut qualifier d'augustinienne, la chasteté est entre les mains du clergé. C'est le clergé qui décide des périodes d'abstinences, de les réduire pour faire plaisir aux hommes, de les étendre pour faire plaisir aux femmes. Dans cette morale sexuelle contemporaine de bigotes fanatiques, la chasteté, on l'a compris, est entre les mains des femmes elles-mêmes, désormais. Au fond, tout ces pouvoirs qu'elles n'avaient pas auparavant, d'où le tirent-elles ? Eh bien mais de la division du travail dans le mode de production capitaliste, pardi !